Direction générale des impôts

La direction générale des impôts

                                                                                 La direction générale des impôts

 

Adama BADOLO, Directeur Général des Impôts

«La DGI est chargée de la mise en place du Cadastre dans toutes les collectivités territoriales du Burkina Faso »

Dans le but de faire connaitre  les missions de la Direction générale des impôts (DGI), le Magazine Hoza et Sako immobilier a rencontré son directeur général Adama Badolo. A travers cette rencontre, le premier responsable de la DGI nous a entretenus sur les prestations de son service, notamment la mise en place du cadastre.

Monsieur le Directeur général, pouvez-vous nous parler des principales missions assignées à votre direction?

Je voudrais d’abord vous remercier pour l’opportunité qui m’est une fois de plus offerte de m’exprimer sur le rôle et la place de la Direction générale des impôts (DGI)  dans l’administration publique burkinabè.  La DGI a pour mission, l’élaboration et l’application de la législation fiscale intérieure, domaniale, foncière et cadastrale. Au titre de sa mission relative à la fiscalité intérieure, la DGI  est chargée notamment de l’élaboration des textes fiscaux à caractères législatif et règlementaire, de l’assiette, du recouvrement et du contrôle des impôts et taxes au profit des budgets de l’Etat et des collectivités territoriales. Pour ce qui est de sa mission domaniale, la DGI assure, dans la limite de ses compétences, la gestion des terres du Domaine foncier national. Parlant de sa mission foncière, la DGI assure la protection des droits réels immobiliers et administre la publicité foncière, qui est un maillon central du processus d’immatriculation foncière. Enfin, la DGI est chargée de la mise en place du Cadastre dans toutes les collectivités territoriales du Burkina et d’en assurer la conservation.

A travers vos explications, nous découvrons une autre attribution de la DGI qui est peu connue des citoyens qui pensent  au paiement des impôts. C’est quoi exactement le cadastre?

Le cadastre est pour la propriété foncière, ce qu’est l’état civil pour les personnes. Les spécialistes du cadastre résument cela en disant que le cadastre est l’état civil de la propriété foncière. Concrètement, le cadastre c’est l’inventaire de la propriété foncière et immobilière. Pour faire un inventaire, il faut recenser, décrire, évaluer; c’est-à-dire donner une valeur, et il faut également compter. C’est pourquoi d’ailleurs, le cadastre est défini aussi comme un ensemble de techniques qui servent à identifier, enregistrer, décrire et évaluer les terres.

Pour résumer, le cadastre peut être assimilé à un registre servant à l’inventaire des biens immeubles dans lequel on trouve des informations sur les personnes propriétaires et leurs biens immeubles.

Peut-on donc dire que le cadastre est différent du  service du cadastre?

Au plan technique, le cadastre est différent du service. Le service du cadastre est l’institution administrative chargée de mettre en place le cadastre. Il désigne donc l’ensemble des méthodes et des moyens mis en œuvre pour rendre opérationnel l’outil cadastral. Maintenant, dans le langage courant, on utilise le terme cadastre pour désigner le service qui met en œuvre le cadastre. La nuance est faible, et c’est compréhensible.

Quel est le rôle du cadastre? À quoi sert- il concrètement ? Car, pour le citoyen lambda, le cadastre c’est le service qui délivre des plans, indique des parcelles et fait le bornage.

Nous n’allons pas reprendre ici l’historique du cadastre bien que cela puisse aider à mieux comprendre son importance. Mais je vais essayer d’être le plus précis possible sur les missions du cadastre. Le décret d’application de la loi portant Réorganisation Agraire et Foncière au Burkina Faso a défini cinq missions principales pour la cadastre. La première mission est la technique. Celle connue du grand public, qui consiste à confectionner le plan cadastral, à le mettre à jour, à moderniser sa gestion et à suivre les levers à grande échelle. La deuxième qui est une mission fiscale, consiste à déterminer les bases d’imposition des impôts et taxes liés ; au foncier (impôt sur les propriétés bâties et non bâties, etc.). La mission foncière, qui est la troisième consiste à identifier, recenser et décrire physiquement les immeubles. La quatrième mission qui est celle juridique, consiste à attester les droits de propriété ou d’occupation en ce qui concerne les limites et les superficies des immeubles bâtis et non bâtis. Enfin, la cinquième qui est une mission documentaire, qui consiste à faire l’archivage de la documentation cadastrale et à mettre à la disposition des usagers des informations de nature fiscale, foncière et géographique. Par exemple, quand vous demandez au cadastre de vous indiquer votre parcelle, vous utilisez à la fois sa mission foncière pour faire identifier votre terrain parmi tant d’autres dans un quartier et sa mission juridique pour connaître les limites réelles de votre terrain et, partant, sa superficie. Si vous demandez en plus un extrait du plan de votre terrain, vous faites recours à sa mission documentaire. Donc vous voyez que les citoyens utilisent au quotidien les missions du cadastre sans le savoir. D’où l’intérêt d’avoir un bon système cadastral pour offrir des prestations de qualité aux usagers.

Monsieur le Directeur, à suivre votre explication, peut-on dire qu’il y’a un lien entre le cadastre et le service chargé de la publicité foncière qui gère les dossiers des titulaires de droits sur les parcelles?

Tout à fait. Il y a un lien étroit entre le service chargé du cadastre et le service chargé de la publicité foncière. En effet, la référence cadastrale est l’unique identifiant de la parcelle qui doit être utilisé dans tous les actes constitutifs, translatifs ou modificatifs de droits réels immobiliers. Les notaires et les géomètres experts en savent quelque chose. Dans le système actuel, le premier gère les entités foncières, c’est -à -dire les terrains ;le second gère les droits liés à la propriété ou à l’occupation de ces terrains. L’élément commun entre les deux c’est donc le terrain. Ce lien est encore plus étroit dans le système foncier burkinabé fondé sur l’immatriculation à travers laquelle le service chargé du cadastre doit attester les limites et les superficies au plan juridique à l’issue d’une opération de bornage. C’est pourquoi, il est important que le service du Cadastre et celui de la publicité foncière travaillent toujours en bonne intelligence pour atteindre les objectifs d’une gestion foncière transparente, efficace et sure.

Selon les informations reçues, il paraît que la mise en place du Cadastre coûte très cher. Est- ce exact ?

Avant de répondre à votre question, permettez-moi de vous donner quelques précisions qui vont permettre de comprendre ma réponse et éclairer davantage ceux qui ont encore des doutes sur l’intérêt d’un  cadastre pour le Burkina Faso. Car cette question me paraît très importante. Selon les connaissances et les techniques actuelles, la mise en place du cadastre offre d’énormes avantages. On a l’élargissement de l’assiette fiscale pour accroître les ressources internes propres de l’État. C’est une nécessité absolue. Les plus hautes autorités, le Gouvernement et le Parlement en font une priorité pour pouvoir allouer des ressources propres aux investissements. Un pays ne peut pas se développer en comptant sur des aides extérieures pour faire des investissements structurants. Le cadastre fiscal permet cet élargissement. La parcelle qui est l’unité foncière cadastrale est stable (car immobile) et facile à appréhender. Le cadastre permet donc une bonne administration de l’impôt sur les propriétés bâties et non bâties. Il accroît donc leur rendement financier. Incidemment, le recensement et l’évaluation des terrains en vue de la mise à jour du plan cadastral permettent d’identifier les nouvelles activités créées sur les parcelles et connaître la nature et l’évolution des activités qui y sont exercées. D’ailleurs, le cadastre rejoint ici les services chargés de l’assiette des impôts qui organisent, chaque année, un recensement fiscal sans faire attention à la valeur des immeubles. Nous pouvons donc dire que rien que la maîtrise du fichier immobilier national suffit pour justifier la mise en place d’un cadastre. Vous voyez que depuis combien d’années le Burkina Faso traîne des problèmes de gestion de lotissement avec toutes les conséquences qu’on connait. Combien de fois a-t-on fait des audits de lotissements et on est jamais sorti du bourbier. La dernière action forte est la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur le foncier urbain. Vous imaginez le temps et l’argent que l’on a déjà mis dans ces opérations ? Vous avez vu les résultats de l’enquête. La question foncière est complexe à gérer. Il faut utiliser aujourd’hui les outils modernes qui rendent transparente la gestion foncière. Cet outil, aujourd’hui, c’est le cadastre, c’est le système d’information foncière. Avec les nouvelles technologies, il permet de répondre aux préoccupations liées aux audits et aux enquêtes. Il n’y a aucun doute à ce sujet.

Car le cadastre met en lien les personnes et leurs biens immobiliers et vice versa. Autrement dit, vous donnez l’identité complète et correcte d’une personne, le service du cadastres sera  en mesure de vous donner la liste de ses terrains nus ou construits.  Vous donnez les références d’un terrain, le service du cadastre vous dira à qui il appartient.  Ces informations seront disponibles en temps réel grâce aux outils modernes de gestion de base de données. Un cadastre efficace protège les droits des personnes et éclaire les décideurs dans l’aménagement du territoire. Son  utilité me paraît donc évidente.

Au regard donc de ses avantages, peut-on dire que la mise en place du cadastre coûte très chère ?

Je dirai plutôt que la mise en place du cadastre a un coût, mais je n’ajouterai pas très cher. Très cher, c’est un qualificatif qui est relatif. Je peux même vous dire qu’investir dans un cadastre est un investissement très rentable au plan financier dans un court terme. C’est le choix du type de cadastre à instaurer qu’il ne faut pas rater.

‘‘Garantir la propriété et collecter des impôts

de manière juste, c’est garantir la démocratie. ’’

 

Mais monsieur le Directeur général, pourquoi les pays africains ont de la peine alors à se doter d’un cadastre ?

Il faut rechercher la réponse à cette lenteur non pas dans le coût mais plutôt dans la perception de l’enjeu et des avantages que procure un système cadastral à un pays. Pendant des années, les techniciens africains ont fait comprendre à leurs dirigeants que la mise en place d’un cadastre coûtait très chère, pour reprendre votre expression. Mais en réalité, les enjeux de développement n’étaient pas les mêmes. Aujourd’hui, poser la question à la jeune génération d’experts du cadastre si la mise en place du cadastre est très chère. Ils vont vous sortir le rapport entre le coût de mise en œuvre et les avantages attendus. Vous allez découvrir que l’investissBAement dans le cadastre est nécessaire. La rentabilité financière et sociale est certaine. Autre point de faiblesse des projets africains, c’est la volonté de vouloir aller directement à un cadastre complet et moderne comme les pays développés. Or à ce niveau la question des ressources humaines est importante pour conduire les projets. Il faut des techniciens en nombre ayant des compétences avérées, qui allient les techniques cadastrales avec les Technologies de l’information et de la communication (TIC), notamment les Systèmes d’Information Géographique (SIG). Le profil des hommes a donc évolué dans le temps.

                                                                                                                                                                                                     Adama BADOLO, Directeur Général des Impôts

Avez-vous un projet de mise en place du cadastre au Burkina Faso ?

Les autorités du Ministère des Finances et du Développement ont commandité une étude sur les conditions de mise en place d’un cadastre fiscal à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Les conclusions de l’étude ont été transmises au Gouvernement. Nous attendons la décision du gouvernement sur cette question. Ce que je peux dire en plus, c’est que pour le Burkina Faso, nous avons déjà notre petite idée. À partir des conclusions de l’étude, nous voulons maîtriser notre projet en proposant un système souple et évolutif en commençant par les deux plus grandes villes, à savoir Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Dans ces deux villes, le potentiel en matière de fiscalité foncière et immobilière existe ; et c’est également là qu’existent les problèmes de lotissement les plus complexes. Par ailleurs, nous souhaitons poser les actes préparatoires pour faciliter plus tard la mise en œuvre du projet. D’ores et déjà, nous avons établi une feuille de route à notre portée. Mes collaborateurs chargés du cadastre ont perçu l’enjeu pour le Burkina Faso. Ils sont déjà engagés dans les actes préparatoires. Nous allons demander à notre ministre de tutelle et à toutes les bonnes volontés des moyens pour assurer la formation de base du personnel aux outils modernes de gestion du cadastre. Vous savez, les pays du Nord qui ont les cadastres les plus évolués aujourd’hui sont passés par ces étapes. Tirons leçons de leurs échecs et profitons de leurs succès en partageant avec eux leurs expériences et leur expertise.

Avez-vous autre chose à ajouter Monsieur le Directeur général?

On ne peut pas épuiser un sujet comme le cadastre en un entretien. Mais ce qui est important, c’est que les gens doivent se convaincre aujourd’hui plus qu’hier, que le cadastre n’est pas un luxe mais une nécessité au regard des enjeux fiscaux, fonciers et juridiques. A titre d’exemple, le cadastre français a plus de deux cents ans. Il a été mis en place sous napoléon. Ce fut un cadastre sommaire. Aujourd’hui le cadastre français est parmi les plus performants au monde. Le cadastre est une infrastructure transversale qui va servir l’ensemble des collectivités territoriales à travers une base de données unique. Les services de l’eau comme l’ONEA, d’électricité comme la SONABEL ou de téléphone pourront se servir de cette base en temps réel pour leurs travaux. Au-delà donc des fonctions traditionnelles, le cadastre est un portail qui offre de nombreux services à divers utilisateurs. Si vous allez dans les différents services, vous constaterez, que chacun à une base de données immobilière et des plans. Nous pensons, et nous en sommes convaincus, que le cadastre fiscal va contribuer au développement du Burkina Faso en général et des collectivités territoriales en particulier en permettant une augmentation des ressources propres. Il va améliorer la gestion foncière et prévenir les conflits fonciers qui sont dommageables à l’investissement.

Votre mot de la fin

Je voudrais remercier votre journal pour la tribune qu’elle m’offre pour parler du cadastre. Je voudrais vous encourager dans cette initiative. Je crois savoir que c’est le premier journal de l’immobilier qui s’intéresse à des questions techniques de ce genre. Aussi, et c’est le mot de la fin, je dirai tout simplement que «garantir la propriété et collecter des impôts de manière juste, c’est garantir la démocratie».

Je vous remercie

 

Interview réalisée par Guengani Souleymane